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  • Photo du rédacteurannepatay

Sur la plage ,



Aller à la plage en été tient du masochisme le plus terrifiant, surtout sur une plage comme celle d’Hendaye,

On s’est imaginé sardine à l’huile et on l’a fait : tourner pendant de longues minutes derrière une file de voitures surchauffées, l’œil lorgnant le moindre espace libre dans lequel on pourrait peut-être plier un peu la voiture pour qu’elle rentre, mais si on verra rien, et puis même si c’est un petit peu interdit pourvu qu’on s’arrête de tourner, noon, on est reparti vers le centre-ville, y a plein de bazar, ça s’arrête, évidemment, un bouchon, puis y a la fanfare, c’est les fêtes du 15 Août, qu’est-ce qui nous a pris, en plus on a deux voitures à garer, ça va être complètement impossible, on se re-écarte de la foule avec plein de « locaux » tout habillés en typique qui nous regardent d’un air de bullmastiff en poussant à peine la fesse pour qu’on passe, et si des fois on allait les effleurer est-ce qu’ils nous sauteraient sur le capot en criant olé avec une banderille pour nous la fiche entre les deux yeux ?

On a trouvé une place. Là on est contents on prend tout notre temps on regarde avec un tout petit peu de condescendance et de plaisir la file de voitures qui continue à déambuler, ils vont passer l’après-midi à ça les pauvres autres, mais pas nous.

Y avait même de la place, un petit peu, sur la plage.

Bon bien sûr c’est là que passait auparavant les égouts et on est même pas sûrs, qu’enterrés, ils ne débouchent pas, les salopards, un peu plus loin sous l’eau pour que personne ne les voit, mais on fait semblant de rien, on étale nos serviettes et on prend un air de circonstance quand on est sur la plage c'est-à-dire béat … Et on commence à mater.

Auparavant on se sera éclipsé quelques minutes sous prétexte de goûter la fraîcheur de l’eau, jusqu’à la taille en prenant soin de ne pas se placer trop près du reste du monde pour accomplir notre petite tâche secrète qui rendait l’attente dans la voiture tellement intolérable.

Enfin on peut s’asseoir sur la serviette et mater. C’est la seule occupation sur la plage si on ne veut pas passer pour des sportifs à la petite semaine avec une raquette en plastique et une petite balle qui fait schpok. On a beau ricaner quand on joue à ça, on se sent néanmoins assez mal et on a tendance à tirer toute les 5 secondes sur l’élastique de maillot de bain.

Trois types descendent sur la plage, le look de Clavier dans les bronzés, avec le mini-slip de bain, ils s’arrêtent à mi-plage et se retournent en prenant l’air dégagé, en fait c’est un tour d’horizon façon laser pour repérer de la minette.

On dirait les garçons en cm2 qui reluquent les filles, le même air un peu pataud avec les bras qu’on sait pas quoi en faire: Je les croise, non, je les laisse pendre, ça fait cruche, je me gratte la tête, j’enlève et je remets mes lunettes, et hop je me remonte l’élastique du slip sur le haut de la cuisse.

Le festival du tiré d’élastique, c’est la sortie de l’eau, hommes ou femmes, tous égaux devant cette adversité. Le maillot à une nette tendance à se mettre pas du tout comme il faut quand on sort de l’eau. Madame replace ses avancées, et descend l’ourlet sur la fesse droite, on jette un petit coup d’œil vers le bas et enfin on relève la tête d’un air courageux. Il en faut pour remonter les 100 mètres de hauteur de plage devant tous ces regards acérés.

Monsieur sort du bain, pareil : on regarde si elles sont bien en place d’un petit coup d’œil, on tire tout ça un peu vers le bas, et en général on se flatte les abdos d’un revers de main.

Lors de la descente vers l’eau, c’est plutôt sur la fesse, le petit effleurement, avec les doigts légèrement pliés, comme pour enlever quelques grains de sable. Et surtout, après avoir baissé le nez pour la vérification, on dégage le menton et on regarde loin, c’est pire que le « débarquement » au niveau mitraillage.

Au milieu de tout ça, un type, la cinquantaine légèrement bedonnante mais avec un semblant de carrure sportive, cheveux gris trop longs, le portable niché à l’oreille, déambule comme sur la croisette au milieu des carpettes.

Lui il est carrément tout much, ça ne le gène pas du tout de s’offrir en pâture aux regards, au contraire, il adore, doit être chef d’entreprise, gros 4X4 luisant, piscine, villa style mas provençal.

Pas gêné il s’installe face à un groupe de petites nanas, il se carre, les deux pieds un peu écartés dans le sable, et papote en libidinant sur les pré pubères toutes bronzées.


Été 2005


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