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  • Photo du rédacteurannepatay

Parcours anxieux


il y a très peu de temps, j’ai enfin pu mettre un mot sur un filtre qui me coupe de ma réalité depuis ma petite enfance.

Je l’avais pris pour un sentiment de culpabilité, car c’est sous cette forme que je ressentais mon malaise dans un grand nombre de situations.

Sentiment de culpabilité doublé d’un sentiment d’illégitimité.

Ce sont des nœuds dont on hérite, et qui sont renforcés par l’environnement familial.

J’imagine l’enfant comme un buvard, absorbant le stress et les tensions du couple parental, les injustices que ce dernier engendre sans vraiment en prendre conscience .

La dernière et seule fille d’une fratrie de 5, je suis restée logiquement le plus longtemps entre mes deux parents et leur dysfonctionnement : couple bourreau-victime, foyer de luttes et de tensions permanentes.

Ma mère était elle-même très anxieuse, elle sursautait pour un rien, forçait sa nature enjouée jusqu’à la caricature, se tenait en permanence légèrement voûtée comme si elle vivait sous un plafond trop bas, ses gestes étaient brusques, sa tendresse ne trouvait pas facilement de gestes.

Mon père était lui aussi tendu de façon continue, à part visiblement lorsqu’il était en dehors du cadre familial. Il exerçait sur nous une sorte de pouvoir implacable, sa présence seule rendait la maison silencieuse, les amis renvoyés dehors, les repas une messe sans échanges, tout cela ponctué de ses éclats de fureur, des grondements de son irascibilité, ou de ses remarques dépréciatives.

J’étais la seule à déroger un peu à ce climat, me permettant de parler à table, d’établir une certaine complicité avec mon père, de mériter son flanc et son bras autour de moi le soir devant le petit écran.

J’avais aussi certainement peur de ses colères, mais pour moi, mis à part l’injustice criante et privilégiée de mon statut de petite dernière, il était un papa relativement tendre et attentionné.

De ces souvenirs, j’ai gardé un sentiment de culpabilité envers mes frères, jusqu’à la quarantaine.

J’en étais restée là.

Jusqu’à ce que j’entende une expérience qui a percé cette idée et éclairé mon comportement d’adulte :

Ce n’était pas de la culpabilité, ou pas seulement, qui me lestait comme un boulet, c’était un sentiment de responsabilité.

Et comme je n’avais travaillé que sur la culpabilité, mon comportement était toujours entravé de cette idée souterraine de devoir « prendre en charge ».

Dans le quotidien, cela a éclairé le pourquoi de cette anxiété qui perdurait :

Dans chaque situation rencontrée, la sensation de devoir prendre à mon compte les désirs, les besoins, les attentes des autres.

Je ne suis pas une mère Thérésa, je ne tiens pas à soulager le monde de ses peines, cela aurait pu prendre cette forme.

Chez moi cela s’est plutôt manifesté par le besoin d’éviter des situations, car elles risquaient de m’engager.

Les liens amicaux se traduisaient souvent par un échange unilatéral : l’autre se confiant à moi, et moi l’écoutant et prenant en charge ce dépôt , avec comme issue implacable la fuite par trop-plein.

Lorsque je suis mêlée à n’importe quelle situation, j’éprouve le besoin d’arranger les choses, de trouver des solutions, je stresse lorsque j’imagine ce que j’aurais pu faire , que je n’ai pas fait, comme si toutes les crises ou problèmes attendaient de moi que je les solutionne.

Cela est compliqué par une timidité et un sentiment d’illégitimité que j’ai masqué, un peu comme ma mère par un surjeu de manifestations diverses.

La période adolescente et jeune adulte était un mélange d’anxiété mutique à l’extérieur de ma sphère proche et de débordements clownesques à l’intérieur.

Je faisais des grimaces en permanences, j’imitais chaque bruit que j’entendais, afin de faire rire.

La première fois que j’ai ressenti physiquement cette anxiété, c’était lorsque je travaillais dans un centre équestre, dans les Landes :

Il m’était demandé de prendre en charge un groupe d’adolescents. La demande était survenue à la dernière minute, pas de sas de sécurité pour m’y préparer.

J’ai perdu pied pendant quelques instants, je me suis reculée dans un coin sombre, collée au mur, la tête vide, des papillons devant les yeux, la respiration coupée, je ne souhaitais qu’une chose, me fondre dans le mur, disparaître.

J’étais, apparemment, très à l’aise avec les relations sociales.

C’était me disait on, une de mes qualités : accueillir les parents, prendre en charge les enfants, les faire rire.

Et j’adorais enseigner, expliquer, trouver des images pour donner corps à la théorie.

Mais cela me demandait un gros travail, et si je n’avais pas dans la journée de périodes où je pouvais me retrouver seule pour me refaire, j’arrivais vite à épuisement.

Par ailleurs la nature humaine me passionne, et j’aime m’engager dans une relation, par curiosité,

le seul hic est de ne pas sombrer dans ce partenariat inégal : tu attends, je te donne.

Au final, la voie qui s’est ouverte devant moi était inévitable : travailler seule dans mon atelier, éviter de me retrouver engagée dans un groupe quel qu’il soit.

Et puis un jour, cette petite pierre blanche au milieu du chemin et enfin prendre conscience de la source réelle de mon anxiété , et surtout d'y associer le mot juste .

Aujourd’hui, à chaque fois que mon instinct me pousse à vouloir porter la charge émotionnelle ou pratique de quelque chose qui se passe à l’extérieur de moi , je peux enfin répondre à mon inconscient : pour quelle raison fais-tu ça ? Est-ce utile ? Est-ce souhaitable ?

Je suis libre, j’ai le droit de choisir mes engagements, j’ai le droit d’être légère, de ne pas toujours répondre à des demandes, d’être inexacte, irrationnelle,

d’être moi-même.

J’espère que ce témoignage parlera à d’autres ..

Anne

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