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  • Photo du rédacteurannepatay

Chanter avec Cécile





L'autre jour, j'ai retrouvé Cécile.


Cécile nous fait chanter, mais d'abord elle nous parle, et c'est comme une méditation à plusieurs.

Les paroles rentrent dans les pores de la peau, s'infiltrent, ronronnent, et nous toutes on est là, le regard perdu par la lueur des bougies posées au sol.

On forme un cercle, dans la pénombre, on ne se regarde pas, ou pas vraiment, on est pas là pour se détailler, calibrer notre jugement sur l'autre.

Non, on écoute juste pour l'instant le doux remous de la voix de Cécile qui tâtonne, hésite, prend des chemins de campagne pour nous faire rentrer dans nos poumons, dans nos os, dans nos chairs, pour nous faire habiter cet espace là, pour nous le faire vivre, pour que tous nos organes soient prêts à chanter.. Un bourdon s'élève, uniforme , puis deux puis trois tonalités différentes, ça fait comme le son de la vie, du sang, l'espace vibre de nos voix unies, avec cette force là on pourrait soulever une montagne; pas une voix ne couvre l'autre n'essaie de se démarquer, et l'ensemble forme une roue de sons qui tourne et qui balaie nos hésitations, nos freins, nos peurs.

On a loupé plein de cours, moi et ma copine Gigi, alors quand une chanson s'élève, on suit le fleuve de voix sans se poser trop de questions, les paroles, on les formule à l'instinct, tan pis si c'est juste du charabia, on verra plus tard.

Le truc c'est qu'on écoute, on en loupe rien, pas une goutte, le beau timbre un peu oriental de Florence, la pure voix de Bernadette, la sonorité presque brésilienne de Delphine, et pourtant tout se mêle, j'ai l'impression (la tentation?) de ne pas m'entendre.

Un peu plus tard il faudra se mouiller, s'afficher, se jeter, ouvrir sa gueule, élever sa voix à soi, celle qui est née avec nous , et qu'on ne sort jamais, le fil pur, pas déformé.

Non, je ne ferai pas ma chanteuse de voiture, en imitant Sting ou Alanis Morrissey, je promets, je serai moi, je regarderai devant moi, je laisserai partir devant moi mon sang, ma vie, un souffle qui monte du bas de mes entrailles, et ça me montera dans la tête, et ça emplira ma gorge et fera vibrer mes dents, et je l'offrirai comme ça, sans me demander si c'est bien ou mal, sans avoir peur, moi qui ai si peur.

Cécile nous dit des choses, elle nous parle de nos clavicules qui sont des barres de douche télescopiques, sur lesquelles pendent des rideaux de douche qui sont nos poumons, elle nous dit que nos bouches sont des machines à laver le son, notre corps est un espace hétéroclite, rien n'est impossible, et le plus fort c'est qu'on la croit.

Le temps a passé sans y penser, dehors il a fait froid, il a plu, la nuit est tombée tout à fait, mais nous on avait emmené notre petite salle des fêtes mal fagotée dans notre royaume, celui qu'on avait tricoté l'espace de huit voix réunies ce soir là...


Barbaggio, 15 Février 2007


"L'Atelier de polyphonie": Cécile Voltz


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