Je discutais hier avec une amie, des forces qui avaient ordonné et orchestré nos vies, et celles de nos frères, de nos sœurs. De quelque façon qu’on tourne le cube, on tombe toujours sur le même constat : Les parents sont les premiers bourreaux de leurs enfants. En une infinité de gradations, de la plus légère à la plus grave, leur influence est primordiale, c’est le premier visage de la société que l’enfant perçoit, c’est la « vérité », tout ce qui émane de ses parents est le vrai, le réel, il ne peut donc qu’y croire et s’y conformer, c’est son salut, un tout petit enfant sait qu’il doit « convenir » à ses parents, pour être aimé, et si possible le plus aimé. Donc l’influence est bue à grands traits , sans tri, sans protection. Mais nos parents, qui ont été enfants eux-même, ne sont ni lisses ni purs, d’une certaine façon, l’enfant est toujours là, en eux. Lui aussi il réclame toujours sa part d’amour. Marché de dupe, qui veut quoi, qui prend quoi, qui se venge de quoi. En théorisant , hier, on était d’accord qu’il semblait y avoir deux grandes familles émotionnelles, celle de la colère, et celle de la peur. Dans notre société humaine, c’est un vrai bonheur de constater le nombre d’évènements dramatiques, horribles, injustes, d’une violence absolue qui ont égayé des générations entières. Lorsque je regarde mon arbre généalogique, je vois toute la déformation qu’y ont apporté les guerres, et depuis, le terrain ne s’est pas adouci, on a remplacé la réalité des champs de bataille par des tortures psychologiques : « le monde va mal, de plus en plus mal, la planète court à sa perte », tout cela dans un contexte social assourdissant d’absurdité, consommation obsessionnelle, relation au travail pathologique. Donc des circonstances atténuantes à tous les étages.. mais des victimes collatérales à toutes les portes. Bref de quoi se concocter un délicieux bouillon. Colère ou peur… quel est notre poison.. Je pense sincèrement que ce sont les deux fondamentaux. L’un ou l’autre nous sert quasiment d’échine pour grandir et se façonner un masque. On pourrait dire qu’on se bâtit avec cette énergie là. Elle nous permet de nous adonner aux joies de multiples complexes, frustrations, culpabilités diverses, qui nous façonnent d’avantage. La grosse différence que je mets entre ces deux archétypes, c’est qu’il me semble que lorsque c’est la peur qui nous a construits, nous sommes plus à même peut-être de nous en distancier à un moment ou à un autre. L’enfant qui a peur est un observateur, de ça dépend sa survie, il voit tout, il entend tout, il se cache mais il est témoin. Un jour tout cela lui apparaît, il peut éventuellement analyser et comprendre. L’enfant en colère est dans la frustration, la colère est aveuglante dit-on. Il pense qu’il a raison, il est dans la lutte. Cette énergie de la colère est extrêmement puissante, et devient une bombe à retardement lorsqu’elle est masquée. A l’âge adulte elle peut se deviner derrière toutes sortes de masques, parfois même sous le masque de la plus grande humilité et de l’apparent don de soi à la communauté ou aux idéaux. Mais souvent aussi sous le couvert du cynisme, de l’ironie, du sourire à l’envers comme on dit. La dénégation, la neurasthénie, la misanthropie.. Le peureux lui a une enfance anxieuse, inquiète, la peur va se nicher dans ses « tripes », maux d’estomac, crampes, désordres de l’alimentation, il est orné de complexes d’infériorité , d’hypo ou d’hyper narcissisme (ou comment se rassurer et s’assurer qu’on sera aimé) Il est évident que les destinées sont tributaires de tout ça. On pourrait quasiment tous dire : j’aurais pu mieux faire. Même si à mon avis la colère donne parfois une énergie intense pour se donner les moyens de ses intentions. Mais les faits sont les faits, la réalité est incontournable, et le plus important au final, c’est de ne pas transmettre cette charge débilitante qui a été la notre. C’est difficile, autant nos parents et grands-parents nous ont transmis des désordres clairs : violence, humiliations etc... Autant de notre côté, je parle pour ma génération, nous avons eu l’impression de bien faire et d’avoir nettoyé le terrain, mais inconsciemment , des choses ont été transmises. Et puis l’hérédité joue sa partie, les marqueurs de la colère ou de la peur sont-ils inscrits dans nos gènes ? Je ne sais pas mais les tendances neurasthéniques certainement, par exemple. Pendant très longtemps, j’ai cru que je me débarrasserais de mes désordres propres en « faisant » : auto-analyse, méditation, yoga, chant, expressions diverses et variées, et puis en fait, il y a peu, je me suis retrouvée en situation de me dire : de cela, je ne veux plus. Et la « chose » a pris ses cliques et ses claques et s’est barrée… illico… je ne sais pas analyser le pourquoi de cette histoire. Est-ce que ma courbe de maturité était arrivée à un point alpha, sorte de porte magique ouvrant sur des espaces sereins.. Oui je pense que la famille est un lieu à hauts risques de toxicité, non pas que les membres en soient volontairement la cause mais c’est un fait. Donc il n’est pas forcément besoin de fuir de l’autre côté de la planète pour y échapper mais juste en avoir conscience peut être largement soulageant. Voire partager sa propre expérience avec sa fratrie, peut-être libérateur pour les « coléreux » qui n’ont toujours pas réussi à voir leur propre énergie destructrice.. Moi je dis ça …. :)
17 Janvier 2018
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