(L'arbre à droite est un châtaigner, "le minotaure")
Jour 1
J’ai traversé la route, de l’autre côté une légère entaille dans les taillis , ça a l’air complètement bouché, je descends.
Les masses de broussailles semblaient impénétrables mais des petites sentes se dessinent, j’en prends une .
Très vite je suis de l’autre côté, plus question de broussaille, c'est un bois clair, avec une multitude de sentiers qui circulent, je suis rapidement dans une sorte de village végétal qui doit servir d'aire de réunion, de reposoir, je n’arrive pas à me repérer par rapport aux choses que je connaît « à l’extérieur ».
Comme toujours, l’importance du territoire que l’on ne voit pas et que l’on ne traverse pas est bien supérieurs à ce qu’on imagine .
C’est un pays dans le pays, à chaque fois, la même surprise, une cartographie dans la cartographie, secrète, peu-être imaginaire, mais les sentiers sont bien réels, et les suivre est une jubilation.
Je suis sur les traces d’Alice, mais à la place des flamands-maillets et des lapins blancs, il y a l’absence tonitruante des passagers ordinaires de ces chemins : les sangliers, les chevreuils, les cerfs…
Je vois les endroits où ils se baignent, où ils se frottent la tête, où ils grattent au pied des arbres des stries régulières comme des rayons; leurs crottes, dispersées, encore fraîches.
Jour 2:
Cette fois j'ai monté par la gauche le chemin aux genévriers, je pensais juste redescendre sur la route de l'autre côté, mais une sente m'a appelée sur la droite, et comme chaque fois, c'est comme si je perdais toue logique, toute réflexion, ce creux à peine marqué qui s'enfonce et va je ne sais pas où est le seul possible.
Je ne pense à rien, mes pas se posent, précautionneux, et l'avancée se dessine au fur et à mesure. C'est comme si chaque pas me donne le droit de poursuivre, et alors tout est facile,
Parfois plusieurs choix s'offrent, mais il y en a toujours un qui t'invite plus fort, la lumière, ou ce que tu pense apercevoir derrière, ou juste l'instinct, et tu rentres avec délices sous les frondaisons, parfois il faut presque s'accroupir, ce n'est pas une hauteur faite pour les humains, mais au sol, c'est toujours bien dessiné, doux, sans heurts.
C'est une autre géographie, ce que tu pensais n'être qu'une crête envahie d'épineux, sèche, sans âme, est un royaume, avec des vallées, des points hauts, des chambres secrètes, et on les comprends, d'adorer venir là, de s'y tenir coi, sur des sentiers en surplomb des humains, qu'ils peuvent surveiller sans peine, cachés derrière les rideaux de feuillages.
Et en haut, je me perds, encore une fois, mais je me sens légère et dissoute , plus de poids..
Je suis tombée sur un beau personnage de chêne pubescent, sans doute assez âgé , au port bas, royal, invitant, il se distingue du reste , comme si sa présence avait quelque chose de spécial, je le touche en passant, des bras, des épaules, je lui dis combien je l'admire..
Déboucher sur la route fait tomber les miettes de rêve, je me secoue, reprendre un rythme normal, une allure "normale".. J'enlève les brindilles de mes cheveux..
2 Juillet, Lot
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