Bonne fête, ma mère...
j’ai pensé à toi hier, hier soir, j’étais couchée, je t’ai revue mais pas comme ta fille, je t’ai regardée comme une personne normale, ton sourire, ton rire tout bizarre, qui part en cris aigus, tu chantes, tout le temps, ou tu fais du piano , arqueboutée sur ton clavier, toute penchée sur ton clavier, tes gestes sont brusques, tu ne sais pas trop bien prendre les gens dans tes bras, mais y a tes yeux .,
T’étais tombée amoureuse de Gardes, la petite maison de Tréjouls, et quand on y a passé une année sans papa, c’était encore plus merveilleux pour toi que pour nous, et nous, on te découvrait un peu. des facettes qu’on avait jamais vues. La nuit dernière, non, avant-dernière, j’ai passé un moment sans dormir, la couette trop lourde, trop chaude, l’oreiller trop mou, je ne sais pas. Y avait quelque chose qui me pesait sur la poitrine, et sans réfléchir, j’ai pensé: ‘Vous pouvez partir maintenant, les esprits de la maison, soyez tranquilles, on va s’occuper de la maison” et y a eu un drôle de truc , physique, un courant de quelque chose qui est parti, et je ne sais pas si c’était dans mon imagination ou si ils sont vraiment partis soulagés. Après je ne dormais toujours pas mais j’étais bien, je n’avais plus trop chaud , j’étais bien.
Aujourd’hui , en dépiautant les portes de leurs multiples couches de peinture, amoureusement, avec soin, sans précipiter, je faisais un geste, régulièrement, de sortir un linge du seau, le rincer et le tordre, l’eau était blanc crème, et le bruit que ça faisait en se tordant et en s’égouttant, j’avais l’impression de refaire un geste que j’avais cent fois refait auparavant , très longtemps avant, avant moi, en fait, et qui était comme un plaisir, assise sour le marronnier, le cul dans la terre. Plus je le faisais et refaisais, plus une petite sourdine de chanson se mettait à tourner aussi en même temps, une hypnose.
28 Mai 2017