Cette nuit
Un grand boum retentit dans le noir . "Oh, c'est quoi ce bruit" murmure M dans son sommeil.
Et moi, je me tiens immobile, aux aguets, les yeux ouverts, ou bien fermés, quel était ce bruit, si proche, comme un objet lourd qui tombe
Mon esprit cavale, j'entends des cliquetis maintenant. Puis un autre bruit , plus proche, il vient de la porte.
Cette maison est hantée, j'en suis convaincue, puis pas vraiment. Y a-t-il eu des morts ici, oui probablement, comme partout, peut-être des morts violentes, peut-être des pendus.
J'ai une image d'enterrée vivante, mes cheveux se dressent sur ma tête
Il n'y a plus aucun bruit, tellement pas de bruits que c'en est inquiétant.
De nouveau, ma raison s'agite, enchevêtrée d'images. Je crois voir une silhouette, mais j'ai les yeux fermés.
J'ai presque la tentation de tirer la couette au dessus de mes yeux.
Et puis je pense:
S'il y a vraiment des bruits, des bruits de fantômes, alors j'aurai la preuve que tout ça existe bien . Et c'est assez satisfaisant au fond, cette éventuelle certitude. Et puis ensuite, j'aurai le choix, le choix d'avoir peur, ou pas.
Après tout, si cela existe, cela fait bien longtemps, et nous nous côtoyons, cette étrangeté et moi.
Et bien plus du temps du Manoir.
Comme j'ai dû avoir peur, quand j'y habitais seule.
Et dire que j'allais faire pipi, la nuit, dans la tourelle. Je revois bien le long long couloir, les fenêtres rangées à droite, par où entrait la lumière de la lune, froide, sur la cour presque hostile.
Oui, là, j'avais de bonnes raisons d'être terrifiée, et puis les histoires de cette maison. Yves Mahyeuc , cloîtré jusqu'à la fin de sa vie dans la petite pièce. Les réfugiés dans le grenier. Les bébés squelettes du petit jardin.
Et puis fatiguée de toutes ces peurs, je m'endors tranquillement.
2 Avril 2017
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