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  • Photo du rédacteurannepatay

Ipswitch, Massachussets

Dernière mise à jour : 19 mai 2019


Les américains d’ici n’ont pas eu le même biberon que nous, c’est sûr. Sont pas tombés dans la même marmite petits. N’ont pas eu les même jouets, n’ont pas vu les même films, n’ont pas mangé les même bonbons.

Sont-ils beaucoup plus grands que nous ? Beaucoup plus larges ? Ici , y en a que pour le plus grand des trois ours, Boucle d’or se serait paumée à essayer de trouver quelque chose à sa taille, la pauvrette. Et on se prend à se dire, mais pourquoi nous on ne fait pas ça aussi, prendre toute cette place, prendre tous ces aises la ?

Et l’impression que tout a été un choix? Est-ce que je rêve ou chez moi, on hérite de tout ? Mes parents comme mes grands parents faisaient comme ça, et donc moi aussi, dans la maison de mes parents, les choses devaient être disposées de telle et telle façon, et donc moi aussi je fais de cette façon ainsi je suis si rassurée et j’ai tant l’impression de faire les choses comme il faut.

On entre dans cette maison et tout dans notre souci de ce qui doit être fait implose, ici on a peu près tout choisi à son goût apparemment, T et M s’en sont donnés à cœur joie, de faire ce qu’ils voulaient ou ils voulaient, oh je suis sûre qu’on trouve encore plus fort, mais déjà, belle performance. Et je rêve, d’en savoir faire autant, un jour, de savoir décider du chemin de ma maison, et donc sans doute du reste aussi.

Pas que j’ai l’impression de ne pas choisir ma vie, mais des milliers de lilliputiens sont autour de ma carcasse avec leurs minuscules filins, et me donnent de minuscules décharges pour essayer de me faire rentrer dans le cadre, le souffle de toutes ces générations est comme un entonnoir qui me donne une forme particulière, celle qui convient. Je marche dans les traces de ma mère, et parfois on trouve même ça extraordinaire et même ça peut nous remplir de joie et de fierté.

Et puis on tombe dans cet endroit, non ce n’est pas la révélation de ma vie, mais comme une porte qui s’entrouvre : les moyens de faire « autrement ».

Alors bien sur que c’est une illusion, en fait : T et M sont tout à fait dans le ton ici, cette maison ressemble comme une goutte d’eau aux centaines qu’on peut admirer dans les environs, le gigantesque truck pourri gare à coté nous paraît incroyable mais les voisins ou les voisins de leurs voisins ont presque le même. Ici aussi on marche dans des pas plus anciens. Mais pour moi, petite européenne, voir d’autres gens marcher dans d’autres traces me montre évidemment qu’il n’y a pas qu’une trace. Et ça, ça vaut de l’or…C’est tout le bénéfice de ce genre d’expérience, vivre comme l’autre qui n’est pas nous.

C’est d’un voyeurisme ultime, un échange de maison. Non seulement on entre dans l’univers d’une autre famille, mais on se doit de faire les choses que cette famille aurait faite ici, on est complètement autorisé à tout farfouiller sous le prétexte de trouver le tire-bouchon ou la serpillière, on zieute à tour de bras, on s’imprègne, on se coule, on s’immisce. Les voisins nous observent eux aussi, cela profite à tout le monde, excitant nos papilles exploratrices.

Comme des acteurs nous vivons dans cette maison en nous sachant observés, exposant nos bizarreries d’occidentaux : comme les enfants crient forts, oh et la femme sort et s’assoie sur le pallier pour fumer tu as vu Darling chéri…ils ne savent pas vraiment conduire cette voiture, pourvu qu’ils ne l’abîment pas, nous serions obligés d’en parler aux propriétaires de ces lieux, quelle imprudence d’avoir confié cette maison et tout ce qu’elle contient à des étrangers…


La maison des G, c’est la petite maison dans la prairie, sauf qu’elle est grande , et qu’on est dans la forêt, enfin tout le village est dans la forêt en fait, sinon, c’est tout pareil, c’est une maison en bois, avec des clins, peint en gris qui part,et des fenêtre à l’anglaise : trois couches de trucs : la première fenêtre à glissière qui glisse ou pas, ne pas mettre sa tête dessous et refermer on ne pourrait peut-être pas la relever, donc fenêtre en bois à petits carreaux, ensuite derrière : un panneau coulissant en grillage fin : le moustiquaire, et après y a encore une autre fenêtre, une vitre unique qui doit être fermée uniquement en hiver. En résumé faut pas être claustrophobe et avoir envie de se jeter par la fenêtre, on resterait coincé de toutes façons,

En échange de ce manque cruel de communication avec l’extérieur qu’offre une fenêtre de ce type, on en met partout, dans une chambre compter minimum trois fenêtres, ça donne l’illusion qu’on est pas trop enfermé. Donc, une maison faite plutôt pour l’hiver que pour l’été, ici pas possible de tourner la pub pour l’ami Ricoré en ouvrant grand la fenêtre le matin, et le soleil qui rentre à flots et tout le monde chante même le chien. Non.

En même temps, dans un pays où il fait froid les 2/3 de l’année, z’ont pas complètement tort d’essayer de se prémunir.

Dans la chambre des parents, on pourrait faire un petit appart, ou une piste de skate.

Chez nous on a réussi à caser le lit. Pas facile. Donc forcément on est envieux.

Et puis en plus c’est joli, y a des petites persiennes tout partout sur toutes ces fenêtres (4), à l’intérieur, en bois mordoré, avec des petites lamelles de bois qui appellent la lumière du matin, en lui disant viens par là, toi et faufile toi tu vas voir c’est super, et donc, la petite lumière du matin, obéissante comme tout, se glisse dans les lamelles de bois et vient jouer sur le lit le matin, pendant qu’on dort encore, et ça fait assez magique quand on s’éveille de voir toutes ces petites langues de lumière qui circulent sur les draps, et sur le plancher, en visite.

Y a des portes comme j’aime, juste en bois un peu brut, couleur noisette, avec des charnières noires en fer et un clanche qui clangue, noir aussi, et elles peuvent même aussi grincer un peu parfois.

Deux escaliers…en bois, une grande cuisine sombre qui glisse vers la salle à manger, et par terre y a de grands carreaux de terre cuite pas du tout comme chez nous, on dirait qu’on les a laissé sécher au soleil et que tout le monde s’est baladé dessus, là y a des traces de feuilles, là c’est sûrement un chien ou un très gros chat, là une bestiole genre biche ou sanglier, et marcher pied nu sur ce carrelage, ça fait sûrement un massage impeccable avec ses petites rondeurs, ses creux, son frais, ses gravures de pattes.

Le salon est une grande pièce au plafond bas, toute en bois, blanche et caramel puisque c’est la couleur du bois, le plancher est peint en gris pale aussi. Là, c’est luxe calme et volupté, on s’installe dans le divan géant moelleux doux, velours côtelé blanc, oscour, les pattes pleines de chocolat, je me jette sur une couverture pour couvrir sa nudité fragile. Y a de la place pour 15 000, même vautrés, et les premiers jours, après le voyage, qu’est-ce qu’on s’est bien vautré là, avec des bouquins, qui tombaient souvent et puis en fait plus de bouquins, juste sieste.

Du divan, c’est comme dans « maison et jardins », on voit cette belle pièce ensommeillée de lumière douce et au fond on plonge dans le vert directos, par les tas de grandes baies vitrées qui font comme une fausse véranda, si des vraies fenêtres, avec pas plein de trucs après pour boucher la vue, mais bon, pas des fenêtres qui s’ouvrent d’un coup de main et hop, non, y a une petite manivelle qui les entrouvre un peu comme ça, des fois qu’on tomberait par la fenêtre.

Alors derrière, il y a une pelouse qui monte doucement et des tas d’arbres immenses, c’est ça le truc vraiment différent ici, c’est les tas d’arbres tout partout.

A droite un rocking-chair, comme celui de Ma Dalton, et derrière, un gros poële noir, avec un conduit de fumée tellement large qu’on pourrait faire passer un ballon de basket à l’intérieur.

Juste à droite du divan une petite table de couture, avec les bords dentelés, et dessus une lampe ancienne avec les deux abats jours comme des grosses fleurs penchées en verre gravé.

Derrière le divan, ce qui donne le repos encore plus confortable, il y a une bibliothèque qui mange tout le mur, c’est drôle une bibliothèque en deux langues, on a l’impression de savoir lire à moitié quand on lit les titres, avec la tête de travers.

Dans la fausse véranda, le sol c’est comme dans une petite cours de maison anglaise, c’est des briques posées à plat, avec des interstices assez importants et pas de ciment pour boucher, on dirait qu’on marche sur un bout de ruelle, et les moutons de poussière courent et se planquent dans les interstices avec une joie sauvage.

Dans le coin de ce mur ci, il y a trois marteaux accrochés, on voit que ce ne sont pas n’importe quels marteaux, mais de beaux et sérieux marteaux fait pour travailler comme il faut. En dessous, posée là, une drôle de statue un peu robuste et dure à cuire, un bloc de bois brut, on lui a flanqué de rudes coup à celui là, il a des implants d’acier balèzes pour tout dire, un gros bien rond et poli sur le crâne et un autre en tronc conique sur le côté. Si on n’a pas la légende, forcément on comprend moins bien, mais nous on sait maintenant à quoi ça sert, c’est pour fabriquer des bijoux, des bracelets, des choses surfines et travaillées sur ce truc bien énorme.

Quand on marche sur ces pavés rugueux, on a presque l’impression d’être dehors, y a un gros tapis-paillasson , en genre laine de coco, beige, on frotte nos pieds de dehors dessus, on se dit que ça ne se verra pas trop, et en effet ça ne se voit pas trop.


La cuisine :

Tout est géant alors forcément on est super impressionnés, le frigo est géant, le four est géant avec ses quatre énormes feux, on dirait qu’on allume pour un forgeron, même si on a une petite casserole. Les deux machines planquées derrière le rideau de lambris sont géantes, c’est pour des lessives d’équipe de baseball peut-être.. Il y a la machine à laver géante ou on peut mettre une tonne de linge, et fermer tout ça et en plus elle va super vite, et un dryer géant, une sécheuse, une machine qui n’existe que dans ces pays ci, où il fait si froid l’hiver que si on met un drap dehors on ramène une planche.

L’évier géant a une bouche menaçante, une bouche garnie de dents noires en caoutchouc, et si on appuie sur un bouton secret elle se met à broyer et à mastiquer on ne sait quoi d’innommable. Il parait que c’est normal et qu’il faut nourrir cette bouche, mais moi je n’ose pas, je ne lui donne que quelques miettes, je suis sûre qu’elle est mécontente. Lorsque T et M reviennent, ils prennent soin de la nourrir abondamment, coquilles d’œufs, débris de nourriture, des trucs vraiment gros, et elle mâche tout ça avec grande satisfaction.

Dès que je la regarde, j’imagine les mains aventureuses de petit mimi dans cette bouche vorace, brrrr, j’en frissonne, et interdis à mimi de ramasser quoi que ce soit dans cet évier : maman, regarde la petite cuillère elle est tombée dans le trou, là, je peux aller… NOOOOONN !


Les supermarchés :

On s’est dépêché d’aller faire les courses, non seulement parce qu’on avait besoin de trucs mais aussi parce qu’on avait vraiment hâte de voir comment c’est un supermarket aux « states ».

Le plus chouette c’était les gâteaux bleus, bleu électrique, avec des figures, des têtes de clown, il y en avait des très jaunes aussi, enfin tout ça fleurait bon le colorant pas du tout chimique..

A côté tout un tas de doonuts, un genre de beignet tout ce qu’il y a de soft aussi, très gras très sucré, avec du chocolat de la crème des trucs de toutes les couleurs.

Le coin des bagels par contre, on a ralenti le chariot, ça ressemble de loin à un doonut, mais pas du tout en fait, c’est une sorte de petit pain rond avec un trou au milieu , ça a le goût d’un pain un peu acidulé, moelleux, et élastique, c’est mmm supra bon, et on peut mettre dedans en le coupant en deux, de la cheese cream, sorte de pâte à tartiner genre kiri, alors de bagels y en a à plein de choses, sucrés, pas sucrés, oignons, sésame,et évidemment cinnamon,

Le cinnamon, y en a absolument partout, si on aime pas, on est très mal, même les bagels sont au cinnamon, les cakes, les biscuits, les chewing-gum, tout est au cinnamon, même les boissons, moi je ne peux pas, décidément, ça m’écoeure, donc dès que je vois cinnamon, je fuis,

Le seul problème c’est que l’odeur est tellement forte que le magasin sent quasiment le cinnamon..

Beaucoup de trucs aux cranberries ici aussi, forcément on en cultive pas mal dans la région, (Nantucket en particulier)

Train :

« IP…Switch, IP…switch nèèèèxt ! » le train rentre de Boston, on est crevé, on a eu tellement chaud, il file dans les bois, la lumière est rasante et passe entre les troncs, on aperçoit les champs de la ferme Appleton, ces champs si parfaits qu’on dirait des illustrations pour des histoires parfaites pour des enfants parfaits, il y a les barrières en bois, les murettes de pierre, les petits veaux dans les prés tout verts, les rangées d’arbres sur les allées, la grande ferme en bois, blanche, tout est joli, pas un tas de fumier ni une carcasse de tracteur rouillée à l’horizon..

N’empêche on y est allé nous à la ferme Appleton, c’était désert, pas un chat, et les petits veaux sont tout maigres, peut-être que les fermiers sont empaillés à l’intérieur de la ferme autour de quelques meubles d’époque.

Qu’on soit en train ou en voiture, la plupart du temps on passe au milieu de forêts tellement denses et profondes qu’on se demande si la planète devient pas de plus en plus chevelue, et si le péril qu’on nous annonce était vert, un invasion de forêt, ce serait pas génial ça ?

Ici c’est tout à fait ça, les arbres envahissent tout, parfois un type a essayé d’en enlever quelques-uns pour faire un champ, mais on sent qu’il les tient à la force du poignet, et que s’il relâche un peu son attention, zou, ils rappliquent à toute vitesse.

Ipswitch c’est un village d’arbres, avec des maisons en bois disséminées par là-dessous, des étangs, et des millions de bestioles qui piquent de toutes les façons,

Le plus classique le moustique bête et loyal, il fait zizouizi quand il arrive, il s’arrête de zizouiter quand il se pose, et zou il pique , puis bien gavé et un peu titubant , il s’en va zizouiter ailleurs, mais y a des trucs plus pervers, une espèce de minuscule bestiole que j’ai même jamais rencontrée vraiment face à face, juste devinée , il suffit de marcher pieds nus dans l’herbe et toc, des tas de piqûres très sympa, qu font des petites cloques de sang après, et qui grattent merveilleusement,

A part ça, les sympathiques mouches vertes, fléau de Crane beach qui sinon serait une plage de rêve, mais dès qu’on s’approche, et même encore sur le parking, il faut vite remonter les vitres (et mettre la clim, sinon on meurt tout de suite), et avant de sortir s’asperger de truc qui pue et qui fait tousser, et même comme ça, on voit bien que les autres gens sont comme nous, en viande qui attire sacrément les saloperies vertes, parque tout le monde sur la plage a une manière de danse assez rythmée, hop je lève la jambe droite, hop la gauche je claque mon mollet, une fois, deux fois, puis la cuisse et l’autre mollet, je saute, je me tape l’épaule droite et ainsi de suite, les pas sont pas très compliqués à apprendre, suffit de se laisser porter par l’ambiance.

Le truc c’est qu’elle piquent mais après plus rien, ça c’est cool. Alors on se jette dans la mer glacée, de désespoir.

On trouve aussi beaucoup de gens enterrés sur la plage, y a juste la tête qui dépasse, et vaut mieux quelqu’un qui reste à coté sinon ce serait pas très charitable de laisser cette pauvre petite tête toute seule sans bras, et toutes ces bestioles susceptibles de lui piquer ou pire de lui bouffer la moelle. Parce que je n’ai pas parlé des grosses bêtes de Crane beach, les goélands, sacrée équipe, si on a vu le film d’Hitchcoq, ça fiche les foies, ces gros volatiles puissamment armés.

Le fait qu’on soit là sur leur plage les dérangent pas énormément il faut leur reconnaître ça, ça les arrangerait même plutôt vu la quantité de choses que les gens d’ici amènent à bouffer sur le sable, on est plutôt vu comme les porteurs de bonne nouvelle, alors bien sûr y a des énigmes à résoudre , ce serait trop facile, le jeu c’est d’arriver à dépiauter tout ce qui reste sur les serviettes et dans le paniers quand les humains sont pas trop là, enfin même s’ils sont un peu là , ça dérangent pas tellement. Les sacs en plastique ça c’est la merde, on peut toujours les emmener plus loin, mais faut trouver l’ouverture, pas simple et tous les autres connards de congénères qui crient « à moi » à côté, ça casse les oreilles, enfin, suffit de crier plus fort toutes façons le sac c’est moi qui l’ai. En le secouant comme ça très fort, qu’est ce qui en sort, rien, bon, et si je le tape un peu sur le sable et que je pique dedans ça fait quoi, bon pas grand-chose, aller, je le reprends , ouaii chouette c’est le bon côté y a le pain qu’est tombé, la veine, flûte y a gros Robert qui arrive l’air pas commode, va me le pique mon pain, j’suis sûr, tien s qu’est ce que j’avais dit, faut toujours qui soit là au mauvais moment çui là, fait ch… tiens, et si je crie un peu fort comme ça, nan lui ça lui fait rien, faut dire qu’il est malabar, tant pis, je vois un truc qui dépasse là-bas derrière la dune. Purée la vie de goéland est pas facile tous les jours, j’vous l’dis.. Ouahhh vein, c’est une glace presque entière mouarf groumph, pas mal, fraise chocolat, le cône est bien, manque un peu de fermeté, groumpf, allez je me cal tout ça dans le gosier et je vais voir plus loin..

Moi je les regarde et je vois bien que c’est pas très commode d’être obligé d’avaler toutes les trouvailles sans déguster, cui là il vient de s’enfourner un gros quignon de pain, tiens, ça lui reste en travers de la gorge comme un double menton, mais ça fait rien, il cherche toujours. Faudrait que quelqu’un lui dise : « hé ho, t’as déjà mangé ! », parce qu’il a pas l’air de s’en rendre compte, peut-être qu’ils explosent à un moment ?

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