Hiver 1982
C’est quelques jours avant les vacances de Noël.
J’ai décidé de quitter le CEZ de Rambouillet, où j’avais entamé un TS hippique.
J’ai rangé toutes mes affaires, disposé en cartons ce que je ne pouvais pas emmener, déposé une lettre à l’hôtel où mon père va arriver d’ici peu pour me voir.
Le matin, je traverse avec mon vélo la cour du bâtiment, j’y croise la prof que nous devons avoir en début de matinée, après avoir fait les boxes. Elle m’annonce qu’elle aura un peu de retard, je souris et lui dis: "moi aussi".
J’ai pris le train pour Rennes. Personne ne m’y attend. En arrivant à Bruz, j’appelle mon grand-père d’une cabine.
D’un ton égal , très peu enthousiaste, il me dit : Ah tu es là, bon, je vais venir te chercher.
La cohabitation sera neutre, la maison est grande, je prendrai mes quartiers au premier, ne les dérangerai pas.
Je suis partie car l’instructeur qui nous enseigne pédagogie et équitation est un crapaud, il monte comme un crapaud, il a un visage blême et insipide de crapaud, et tout chez lui nous évoque la médiocrité.
Peu de temps avant de décider de partir, je suis passée voir à son club Philippe Karl.
Une étoile,
Il est lumineux, son enseignement a de la grâce et sa façon de monter à cheval m’enchante. Il est déjà connu dans le milieu, surtout pour son travail à pied.
Deux ans auparavant il enseignait au CEZ.
Je vais m’inscrire aux Beaux-Arts, à Rennes . Je passerai le concours.
Vivre au Manoir, en marge de mes grands-parents ne m’aide pas à me sentir autrement qu’un bathyscaphe.
Ma grand-mère surgit parfois dans le salon d’en haut pour constater.
Elle constate que je mange de la purée à même la casserole, installée dans un fauteuil et les pieds sur une des petites chaise en bois doré si atroces. Elle reste là, indécise, les yeux fixés sur ma casserole.
Je ne sais plus ce qu’elle me dit, sa voix comme une trompette jouée par un sourd, avec des couacs tout le temps.
Elle est brusque , ses yeux bleus glacier ne paraissent jamais donner de chaleur, son menton est comme un petit rempart contre les avanies, puis parfois elle rit brusquement, en deux coups, mais ça n’a pas l’air si amusant.
Je ne croise pas non plus beaucoup grand-père à ce moment là, je ne suis plus la petite fille à queue de cheval qu’il emmenait sur le motoculteur ou au fond de l’atelier , dans les odeurs de bois et de peinture. Nous somme étrangers les uns pour les autres.
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