Inspiration, respiration, souffle, manque de souffle, asphyxie.
Quand on attrape une anguille, elle glisse sans effort entre les doigts on a beau serrer, elle tombe dans l’herbe, elle peut glisser comme ça sur des centaines de mètres et s’il faut rejoindre la rivière, elle le pourra, l’anguille a une force invisible.
Papa marche le long du chemin d’herbe qui va au lavoir, il a la tête baissée, il ronge son ongle de pouce à petits coups , il pense, il pense sans arrêt, il ne regarde pas ce qu’il y a autour de lui.
Aller à la rivière, je le comprends, c’est comme d’aller au théâtre, il y a les gradins pour observer et devant, une échancrure dans les arbres, on voit le champ d’en face et plus loin des maison, parfois le passage des voitures, des échos de bruit de vie.
Mais la rivière produit elle-même ses propres scènes, des plop à la surface de l’eau brune,
il est possible que ce soit le brochet qui chasse. On l’imagine énorme, plus d’un mètre, avec sa gueule pointue, ..des trucs en fil qui marchent à la surface comme sur des petits patins, un martin-pêcheur qui ne s’attarde pas, un éclair vert-bleu au raz de l’eau.
Pas devant les marches mais un peu plus loin, un dos luisant qui se dandine en faisant un petit sillage , un ragondin, ou le petit coup de trompette d’une poule d’eau.
Elles sont mignonnes les poules d’eau, on dirait des femmes qui n’osent pas sortir de chez elles, elles se poussent contre le bord, sous les herbes.
Je suis plutôt copine avec tout ce monde là, sans savoir, je les regarde en voisine,
L’autre jour papa m’a encore emmenée faire le rabatteur, je traîne les pieds, je n’aime pas . il y a F aussi, mais lui a un fusil.
Je fais le tour d’un bois, on doit être du côté de La D... Et quand je lève le nez de mes bottes, je l’aperçois,
le renard, il est planté à l’entrée d’un chemin qui rentre sous les arbres, de profil.
On reste comme ça une ou deux minutes, puis il disparaît. Je ne sais pas si j’en ai parlé aux chasseurs, évidemment ils ne l’ont pas vu, après je ne suis pas revenue à la chasse.
J’ai une grosse sympathie pour les renards. Je crois que je leur trouve un cousinage avec mes frères quand ils étaient jeunes. Malins, trouvant toujours la cachette pour ne pas se faire prendre, mais filant partout où il y a des choses intéressantes à faire.
Je me souviens que dans le grenier, il y a un trou dans le plancher, en dessous c’est de la tomette ou de la brique je ne sais plus, ça fait une cache qui me parait minuscule, peut-être 40cm de profondeur sur 50 ou 60 de long, F. m’a dit qu’il s’était caché là un jour où grand-père était monté dans le grenier pour les surprendre.
Sauf que grand-père ne peut surprendre personne, il a un pilon et sa démarche s’entend à trois kilomètres, en plus il ne va vraiment pas vite.
Il avait mis un gros cadenas sur la porte du grenier, je ne sais pas comment ils ont fait mais F et M ont réussi à le défaire.
Certaines rencontres me font stopper en pleine pensée, en plein je ne sais quoi, tout s’arrête, une buse qui survole, très lentement, parfois elle passe si près, on pourrait peut-être entendre un petit halètement, un souffle un peu rapide, le battement de coeur
Je crois que le but des cabanes c’était de me retrouver au milieu des arbres pour en faire partie , abritée mais au milieu de , sans bruit, à l‘affût, je suis bien, à l’affût, je sais ne pas bouger du tout, et ne faire aucun bruit, juste les yeux comme des phares, ou des caméras . écarquillés pour tout voir, c’est pour ça que je n’aime pas les cabanes trop bien faites, toutes fermées, on ne voit plus rien,
L’idéal, c’est un plancher dans les branches, dans le feuillage
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