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Photo du rédacteurannepatay

Déchirés à l'endroit

Dernière mise à jour : 28 nov. 2019




Il y avait plutôt « déracinés » , dans ma tête ce matin, en ouvrant, non pas les yeux mais les pensées.

En fait je venais de retrouver le nom des deux chiens de ma grand-mère, Germaine, et de mon « beau-grand-père », Antoine, à Gréoux les Bains : Nour et Leila, ce couple de chiens avait une fille, mais je ne me souviens pas de son nom.

On a fort à faire de se déclarer indépendant, libre au vent, que sans racines on vit , on va , on virevolte.

Le document que j’ai vu sur les fascias a peut-être déclenché un remuement dans le large fascia , le large tissu de ma parentèle. Ça m’a touché en un point qui n’est pas le point atteint, mais un écho de parties éloignées, qui se sont éloignées, que j’ai perdues.

On n’est pas les plus doués, parfois, pour songer à recoudre les parties de nous, on ne sait même pas si cela nous importe au fond. Mais au fond, là, justement, ça nous importe.

C’est notre maison.

Par bravade , on ouvre les mains, et les fils s’envolent. Besoin de personne, surtout pas de sa propre famille. C’était de leur faute de toute façons.. Papa l’ours fait des enfants ours,

Pas pour rien que je ne m’attache qu’aux photos, pas aux objets, y en avait trop , et ça étouffe, les objets. C’est plus facile de posséder ceux dont on ne peut qu’imaginer l’histoire, pas notre histoire.

De Gréoux, uniquement des petits flashs et quelques photos,

l’auberge, au bord de la route, et qui s’appelait l’Auberge. A gauche le jardin , avec les petites haies de buis, et derrière, en suivant le canal , la grande maison.

Une immense bâtisse rectangulaire, haute, avec un toit provençal, peu élevé, en tuiles roses pâles. Les fenêtres plein cintres, sur deux étages.

L’entrée.. elle donne, je crois, sur un espace assez grand, vide, avec seulement le grand piano à queue, il y a quelques marches comme un petit palier , encore un espace et puis l’escalier. A droite il doit y avoir une porte , peut-être vitrée, qui donne sur les anciennes cabines de bains.

En haut de l’escalier , à gauche quand on arrive, il y a encore une porte vitrée, celle-là j’en suis quasiment sûre parce qu’elle claquait et s’ébranlait quand il y avait du vent,

il y a des carreaux de terre cuite au sol, à droite plusieurs chambres, avec des salles de bain ? A gauche la porte qui donne sur la cuisine, elle est grande et la fenêtre donne sur le coteau qui monte dans le dos de la maison, par là il y a du soleil.

Au bout du couloir , il me semble qu’il y avait la chambre de mes grands parents à gauche. Et à droite un fumoir, avec des tentures et un harmonium, et un escalier qui descendait vers les bains, ou les cabines de bain, en fait je ne sais pas, c’étaient des petites pièces , le long d’un couloir.

Cette maison était sans doute de bric et de broc, c’était la réputation d’Antoine, de ne pas accorder beaucoup d’importance aux choses matérielles. Il y avait toujours un truc qui se dévissait, qui se déboîtait, qui tenait par miracle, même à l’auberge. Le bidet pivotant, je suis presque sûre de l’avoir vu, ou c’était une histoire ?

C’est drôle comme les fêtes de famille sont fidèles à l’image de cette famille, ça dit tellement de choses , les rituels, l’organisation, le bruit qu’elles font.

Il y a toujours des voix qui sortent plus et qui restent dans la mémoire comme la signature de ces moments.

Moi j’ai gardé les rires de maman, des rires comme des cris aigus, ou alors des cascades, et maman se tordait littéralement, les yeux bleux étincelants, écarquillés, la moue prête à dire une grosse bêtise, la tentation de faire le pitre.

Je n’ai pas imprimé grand-chose de Gréoux, un chaton blanc à l’auberge, la vue par la porte entrouverte sur les cuisines, le froid intense dans la chambre, la pièce d’en bas avec le piano, de la famille partout, un jeu que me donne mon parrain, longer le canal , le lac de retenue….

Lorsqu’on regarde sur google map, on ne voit plus que les traces de l’ancienne maison, il n’y a plus rien, même plus de ruines semble-t-il. Mais l’auberge est toujours là, et elle s’appelle toujours l’Auberge.

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