Corse, Février 2007
Parmi les choses qui se tiennent dans un coin de ma tête, comme de petites flaques qui reflètent le ciel, il y a ce que m'offre la prairie, le soir, à la brune... Lorsqu'on s'est attardé après avoir nourri les juments, on n'a plus envie de partir, la lumière s'est tu, le silence s'est installé, on entend quelques oiseaux , les chevaux ronflent, ils ne broutent pas.
Ils ne savent pas encore vers où se diriger, ils vont peut-être aller boire, la tête basse,
ce n'est plus l'heure des jeux, ce n'est pas celle de la sieste, ce n'est pas celle des chamailleries, des grattouilles,
Ils marchent dans la prairie comme les gens qui sortent du boulot, un peu indécis, un peu alanguis, tranquillement, ils ne sont pas pressés d'arriver.
A cette heure, il faut s'approcher de l'Aliso, son courant lent et fluide , son odeur un peu crue de vase et de pourriture, un remous frais.
On peut se tenir là, sans bouger, les yeux écarquillés, parce qu'il ne fait plus très clair, le cœur qui tape dans les dents, les craquements , le froissement dans le talus, les petits bêtes timides sortent .
Toute cette partie de la plaine est à l'ombre.
Plus loin, la montagne est encore dorée, mais ce n'est plus le même pays, il est dans la lumière et cette frontière là est infranchissable.
A cet instant, on existe que là, les pieds dans le sol souple à scruter devant soi.
A cet instant, je ne suis plus une personne , je fais partie de la prairie comme chaque brin d'herbe, je fais partie de l'air qui ne bouge plus, je suis un arbre, l'air me convient, le silence me convient , je ne réfléchis pas , je hume à petits coups, aussi transparente et perméable qu'il est possible.
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